Fanny Bozonnet Directrice Générale de Ma Chance Moi Aussi
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« Ma Chance Moi Aussi » : une association face au confinement

Rencontre avec Fanny Bozonnet, Directrice Générale

Fanny Bozonnet, comment l’association Ma Chance Moi Aussi[1] a-t-elle vu le jour ?

C’est l’industriel André Payerne qui en a eu l’idée en 2015. André était un patron paternaliste, dans le bon sens du terme, il était très proche de ses ouvriers. Lorsqu’il a pris sa retraite, il a décidé de s’engager dans l’aide aux enfants issus de familles en fragilité éducative, et de créer Ma Chance Moi Aussi en y appliquant ses méthodes d’entrepreneur pour que l’association soit la plus efficiente possible. Nous avons donc commencé par une expérimentation de deux ans, à Chambéry, auprès d’enfants de 5 à 6 ans, car il faut agir tôt. Nous ciblons les enfants en situation de vulnérabilité majeure, en lien avec les écoles et les assistantes sociales. Nous impliquons bien entendu les parents avec lesquels nous signons un contrat d’engagement, qui comprend l’obligation d’adhérer aux valeurs de la République et à la laïcité, une thématique plus que jamais d’actualité.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Nous disposons de 8 établissements en région Auvergne-Rhône-Alpes. Nous accompagnons aujourd’hui 200 enfants, ils seront 550 fin 2022. Grâce aux indicateurs que nous avons mis en place, nous avons démontré que notre modèle était efficace. Notre objectif à présent est d’essaimer notre « ingénierie » et de développer notre modèle sur l’ensemble du territoire français le plus rapidement possible. Notre prochain établissement ouvrira en janvier 2021, à Drancy, et accueillera 24 enfants, l’Ile de France étant l’une de nos priorités.

Quelles ont été les principales difficultés rencontrées durant le premier confinement ?

Le confinement de mars a été brutal. Nous avons dû nous adapter très rapidement afin de poursuivre notre mission, qui nous paraissait essentielle dans un contexte d’huis-clos familial. Grâce à l’ensemble de nos référents éducatifs (1 pour 12 enfants) nous avons réussi à garder le contact avec chaque famille pour apporter un soutien, une écoute, des aides ponctuelles concernant le quotidien, et parfois même régler des conflits. Nous avons organisé des visioconférences via l’application de téléphones mobiles WhatsApp pour échanger des idées, des informations. Nous avons même organisé des défis et des jeux à distance ! Il nous a fallu limiter le décrochage scolaire des enfants, en lien avec leurs enseignants. C’était parfois compliqué car peu d’enfants avaient la possibilité d’accéder à un ordinateur. La fracture numérique est encore immense dans notre pays.

Comment avez-vous organisé la sortie du confinement ?

Notre priorité a été de laisser la parole se libérer grâce à l’appui d’un psychologue, pour que chacun raconte les difficultés rencontrées durant cette période. Il a aussi fallu stimuler l’intellect, remettre les enfants en mouvement, aider les parents à réinstaurer un rythme à la maison. Enfin, il a été nécessaire de reprendre certaines bases pédagogiques afin de  ne pas prendre trop de retard dans les savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter. Cela a été un challenge difficile à relever. Mais le confinement a impacté tous les enfants, pas uniquement ceux que nous soutenons. L’Education Nationale, dans ses récentes évaluations, a fait le constat d’une baisse généralisée du niveau des élèves.

Comment ce confinement a- t-il été géré en interne ?

Le confinement nous a appris à nous renouveler, car nous ne disposions pas de tous les outils nécessaires pour travailler à distance. L’adaptation a donc dû être très rapide. Mais, paradoxalement, nous avons réussi à nous voir et à nous parler plus souvent, ce que nous ne prenions pas le temps de faire auparavant. Le confinement nous a également appris à travailler de manière plus transverse. Nous avons organisé un séminaire début juillet pour réfléchir ensemble sur ces enseignements liés à la crise sanitaire. Des réflexions sur notre cœur de métier ont été très riches, notamment pour approfondir notre action auprès des parents. Nous développons aussi de nouveaux outils de communication interne, et établissons des espaces de discussion plus fréquents, ce qui nous permet d’avoir aujourd’hui une meilleure cohésion d’équipe. Nous avons compris que nous devions trouver une nouvelle dynamique d’échange, surtout dans cette phase de développement fort que connaît Ma Chance Moi Aussi.

Comment se passe ce deuxième confinement ?

Nous sommes heureux et soulagés que ce deuxième confinement épargne les enfants, car ils continuent d’aller à l’école et à venir chez nous le soir. Nous pouvons ainsi continuer notre action. C’est très important. En revanche les actions de partage avec les parents, comme nos « cafés parents », sont suspendues, tout comme les activités extra-scolaires pendant les vacances.

Quel a été l’impact sur vos financements ?

90% de nos fonds viennent d’acteurs privés, et beaucoup de nos soutiens ont revu à la baisse le don qu’ils nous font chaque année, par mesure de sécurité, compte tenu de la situation économique incertaine. Nous avons dû réduire l’ensemble de nos coûts et avons pris la décision de bloquer tout développement à court terme afin de garantir notre pérennité. Aujourd’hui, nous cherchons à diversifier nos ressources et travaillons d’ores et déjà sur 3 pistes : les financements publics, les financements européens, et la collecte auprès du grand public. Pour cette dernière, nous devrons démultiplier nos actions de communication. La collecte de fonds est un enjeu majeur pour atteindre nos objectifs de développement et ainsi accueillir un maximum d’enfants en fragilité pour leur donner de belles chances de réussite.

[1] L’ambition de l’association Ma Chance Moi Aussi est de donner la possibilité aux enfants en situation de vulnérabilité flagrante, dans les quartiers prioritaires, de choisir leur vie plutôt qu’une voie toute tracée. Il existe de multiples raisons à la fragilité éducative de leurs parents : pauvreté, monoparentalité, barrière de la langue, ou encore problèmes médicaux, sociaux, financiers. La mission de l’association est d’outiller les enfants pour les soutenir malgré le contexte dans lequel ils vivent. Il s’agit d’un accompagnement en prévention précoce, dans la durée, parfois 10 ans s’il le faut. Il comprend, outre le soutien scolaire du soir, des activités d’éveil artistique, culturel, citoyen, du sport le mercredi après-midi et durant la moitié des vacances scolaires. Aujourd’hui Ma Chance Moi Aussi consacre 700 heures de soutien par enfant et par an (à titre comparatif, un enfant passe en moyenne 864 heures par an à l’école).

Pour soutenir l’association : machancemoiaussi.org

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