Retour sur le colloque du CFF du 30 septembre 2019
A la veille de la Journée européenne des fondations et donateurs du 1er octobre, le Centre français des Fonds et Fondations a réuni, au Théâtre du Châtelet de Paris, plus de 800 acteurs de l’intérêt général pour débattre sur le thème suivant : « Face à nos fragilités sociétales, les fondations au coeur de l’intérêt général ».
Il existe aujourd’hui environ 4 200 fondations et fonds dedotation en France ce qui représente 10 milliards d’euros apportés à l’intérêtgénéral et 127 000 salariés[1].Comme le souligne Jean-Marc Pautras, Déléguégénéral du Centre français des Fonds et Fondations, un tiers des fondationsexistantes s’est créé depuis 2010, ce qui en fait un secteur particulièrementdynamique. Les questions désormais sont donc : comment faire plus etmieux ? Comment mettre en valeur l’impact ? Et, surtout, commentmieux travailler avec l’Etat ?
Le secteur se densifie donc mais s’adresse aussi de plus en plus aux causes visant les plus fragiles, à l’innovation et à la recherche, selon Blandine Mulliez, Présidente de la Fondation Entreprendre. Les réformes fiscales annoncées « ébranleraient ces secteurs ». « Evoluer c’est innover sans réduire » insiste t-elle car « l’intérêt général a besoin de la force et du soutien du privé ». Sa conviction ? « Chacun est unique mais collectivement nous sommes un grand tout cohérent et extraordinaire. Cette cohérence c’est la co-construction, le savoir-faire ensemble, le vouloir vivre ensemble. J’ai besoin de l’autre pour avancer et, ensemble, nous sommes utiles au monde. L’autre renvoie à qui je suis, c’est un miroir. Ce n’est pas ce que l’on fait qui est important mais comment on le fait ».
Lever les freins
Sarah El Haïry, Députée de Loire-Atlantique, pointe l’urgence de valoriser enfin la philanthropie à la française. Pour cela il faut lever les freins, le premier d’entre eux étant l’instabilité fiscale du mécénat car, « comment s’engager dans la durée si nous ne connaissons pas le cadre » ? Au-delà, c’est toute la « philosophie » du mécénat qui est à défendre, par le biais de l’éducation par exemple. Il ne faut pas non plus avoir peur d’engager le débat sur la réserve héréditaire, et simplifier le « labyrinthe » en place pour accéder à la reconnaissance d’utilité publique (RUP). Surtout ne pas réinventer, mais synthétiser. Le cadre législatif est favorable et il y a un réel besoin de bien commun. L’engagement politique doit donc accompagner les changements de société à travers les acteurs principaux que sont les associations, les fondations et le monde de l’ESS.
Paradoxalement, malgré l’essor fulgurant des créations de fondations, les associations continuent de perdre en moyens d’actions en raison d’une baisse importante des subventions publiques. Selon Marianne Eshet, Déléguée générale de la Fondation Groupe SNCF, les petites et moyennes associations souffrent et le mécénat ne pourra pas répondre à tout. Il a connu depuis quelques années de profondes mutations. En effet, les fondations créent aujourd’hui des alliances, soutiennent les associations sur le long terme pour développer de vraies relations de partenariat. L’État, même s’il n’a plus le monopole de l’intérêt général, doit absolument en rester le garant.
Les fondations permettent l’innovation
Même sentiment pour Eric Pliez, Directeur général de l’association Aurore et Président du Samu social de Paris: « la 1ère des fondations doit être l’Etat. Il est le garant des filets de la solidarité pour ceux qui tombent ». Pour lui, une association doit savoir innover et les fondations nous le permettent. Cela a permis à l’association de mettre en place une épicerie solidaire, le centre d’accueil des Grands Voisins, et de poursuivre son développement dans les régions. « Les fondations nous permettent de décloisonner nos pratiques », notamment à travers le mécénat de compétences qui permet de casser les frontières entre les entreprises et les associations. « Les relations associations/fondations ont évolué depuis 5 ans. On est passé d’un effet d’aubaine à un partenariat, une relation qui va durer ».
Axelle Davezac, Directrice générale de la Fondation de France, insiste pour sa part sur le fait qu’il faille soutenir les territoires, les faire revivre et développer la vie associative. « Nous ne sommes pas là pour boucher les trous. Il faut construire des solutions pour que la puissance publique s’en empare ». Et si, bien entendu, l’entreprenariat social qui se développe aujourd’hui est essentiel, il ne remplacera pas les modèles associatifs. Il sera complémentaire des associations car « nous avons besoin d’une diversité d’acteurs et de coopération pour trouver les solutions adaptés aux fragilités territoriales ».
Les nouvelles générations en demande
C’est cette « vivacité associative importante » que François Hollande, Président de la Fondation La France s’engage et ancien Président de la République veut mettre en avant, tout comme la notion d’engagement qu’il souhaite réhabiliter. « Les nouvelles générations sont en demande et le don n’est pas que monétaire. Je pense que l’on peut changer la vie, le monde, par son acte. Si l’on oublie l’engagement, on entre dans la gestion », souligne t-il. La philanthropie c’est précisément cette volonté de s’engager pour faire des choses différentes, plus spécifiques, de ce que ferait l’Etat. D’où l’importance des fondations qui permettent de pérenniser des financements qui manquaient, en particulier dans le domaine de l’innovation. Selon lui, il faut absolument chercher les projets utilisant les nouvelles technologies, qui innovent pour ensuite revenir vers les pouvoirs publiques. Il faut aussi célébrer les succès de ce secteur et mieux valoriser l’impact qu’elles créent, avant de conclure avec humour : « autrefois c’était les épouses des Présidents qui créaient des fondations, maintenant ce sont les anciens Présidents ! »
Les fondations, moteurs de l’innovation sociale
Gabriel Attal, Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse admet lui aussi que le partage des enjeux comme l’exclusion, la pauvreté, et l’intérêt général dans son ensemble n’aurait pas la même puissance sans le soutien des fondations. Il souligne même que ces dernières ne recherchent pas de profits mais avant tout un impact, dans la durée. « La vitalité des fondations est le 1er moteur de l’innovation sociale, c’est un laboratoire de progrès de notre pays qui permet le développement de nouveaux modèles, telles les recycleries, les nouveaux modes de consommation ». Deux exemples parmi tant d’autres : le soutien de la Fondation BNP Paribas aux Apprentis d’Auteuil ou celui de la Fondation Nicolas Hulot pour l’urgence climatique. Le rôle de l’Etat est de soutenir et d’accompagner le développement des associations dans les territoires mais aussi d’en définir le cadre.
Encore beaucoup à faire pour les ETI
Concernant les ETI, beaucoup reste à faire et il faut encourager la mise en place de clubs de mécènes ou de fondations regroupant plusieurs entreprises telle la Fondation Mécènes & Loire. Pour Gabriel Attal, toutes les parties prenantes sont concernées par l’engagement des entreprises, les clients, mais aussi les jeunes, d’où l’importance d’encourager les PME dans cette voie, par le biais d’une fiscalité plus favorable pour elles. Malheureusement, peu d’entre elles connaissent ce nouveau dispositif par manque de communication. Il faut donc le faire connaître.
“J’entends les inquiétudes”
Quant à la fiscalité du mécénat des grandes entreprises, qui fait beaucoup couler d’encre en ce moment, le ministre s’explique : « j’entends parfaitement les inquiétudes mais je crois que les grandes entreprises ont dépassé la logique fiscale et je pense qu’elles maintiendront leurs engagements ». Il estime par ailleurs que le terme « philanthropie » est très « connoté » dans l’esprit des français, et qu’il faut donc lui redonner un sens positif, à travers l’enseignement, à tous les âges de la scolarité. Il souligne par ailleurs que deux députées[2] sont actuellement en mission pour évaluer le cadre de la philanthropie incluant les enjeux de la réserve héréditaire ou des fondations actionnaires. Et de rappeler, en conclusion, la date du « Giving Tuesday » (en opposition au Black Friday) qui aura lieu le 3 décembre prochain, une occasion unique pour mobiliser les collaborateurs, les élèves, et ainsi porter à la connaissance du plus grand nombre le monde de la générosité.
Benoît Miribel, Président du Centre français des Fonds et Fondations conclut ainsi cette rencontre : « nous avons progressé, nous sommes de plus en plus unis et nous allons nous mobiliser. Nos priorités à court terme : préserver le mécénat, et à long terme, le développer ».
A lire également : le mécénat, charge publique ou nécessité
[1] Observatoire de la Philanthropie, Fondation de France, mai 2019
[2] Sarah El Haïry, députée MODEM de Loire-Atlantique, co-présidente du groupe d’études sur l’ESS et Naïma Moutchou, députée REM du Val d’Oise
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