Rencontre avec Hervé Gouyet, Président d’Electriciens sans frontières
Electriciens sans frontières est une Organisation Non Gouvernementale (ONG) de solidarité internationale reconnue d’utilité publique qui agit avec les populations les plus démunies pour améliorer leurs conditions de vie à travers des actions d’accès à l’électricité et à l’eau. Créée en 1986 à l’initiative d’une dizaine de salariés d’EDF, l’association s’appuie depuis toujours sur un tissu de bénévoles présents dans toutes les régions françaises. C’est grâce à cette organisation, dont le bénévolat représente 63% des ressources, qu’Electriciens sans frontières est devenu un acteur incontournable de l’électrification dans le monde. Rencontre avec Hervé Gouyet, son Président.
Quel est le mode de fonctionnement de votre ONG ?
Electriciens sans frontières est un réseau d’un peu plus de 1300 bénévoles dont le nombre est en augmentation permanente. En 2018 nous avons dénombré plus de 25 000 jours de bénévolat ! Pour une journée de mission terrain nous comptons 4 journées de préparation et de restitution auxquelles nous ajoutons des journées dites « de gouvernance » consacrées à l’animation du réseau : formation, réunions, suivi des partenariats tant au plan technique que financier. Nous avons également une équipe au niveau national dont la mission principale est d’assurer le maillage des délégations régionales. Il s’agit là de salariés Electriciens sans frontières mais aussi de collaborateurs d’autres entreprises en mécénat de compétences longue durée.
Qui sont ces bénévoles ?
Ce sont des femmes et des hommes de tous âges et de tous profils qui souhaitent s’impliquer dans des actions de solidarité internationale. On dénombre environ 55% d’actifs contre 45% de retraités. La moitié des bénévoles sont issus du groupe EDF mais nous comptons également dans nos équipes des artisans, des profs, des salariés de collectivités locales ou d’autres entreprises comme Schneider Electric, Legrand, Engie, etc. Je tiens à souligner qu’il y a de plus en plus de jeunes et de profils non techniques qui nous rejoignent, ce qui est une très bonne chose pour nous. Notre réseau est organisé au niveau régional en 14 délégations. C’est là que sont constituées les équipes de bénévoles, qui peuvent aussi bien travailler sur des projets de développement comme l’électrification de structures communes dans des villages, que sur des projets d’appui et d’expertise auprès d’autres ONG comme Médecins sans frontières, pour sécuriser leurs installations à travers le monde. Ils peuvent également intervenir, et malheureusement de plus en plus souvent, suite à des catastrophes naturelles comme cela a été le cas pour les ouragans Irma à Saint Martin et Maria à la Dominique en 2017 ou le tsunami et le tremblement de terre en Indonésie en 2018.
Quel est le lien entre les métiers des bénévoles et les actions d’Electriciens sans frontières ?
Une des spécificités d’Electriciens sans frontières est d’avoir des résultats particulièrement tangibles. Apporter la lumière c’est visible. Les bénévoles mettent leurs « compétences métiers » au service de ces projets ; il s’agit donc d’une « déclinaison bénévole » de ce qu’ils font chaque jour professionnellement. Ce lien avec leur métier au profit de projets de solidarité internationale, c’est quelque chose qui est motivant et particulièrement concret : allumer une lumière c’est éclairer un visage.
Quelles sont les compétences que vous recherchez ?
Pour qu’un projet soit réussi, cela nécessite toute une préparation en amont et une coordination de compétences très diverses. Pour le projet d’électrification de 500 écoles que l’on mène actuellement en Haïti, on a eu besoin de techniciens pour faire les études de dimensionnement, de juristes pour examiner les contrats avec la Banque Mondiale et le ministère haïtien, de logisticiens pour envoyer les panneaux solaires, de manutentionnaires pour remplir les containers, d’électriciens pour réceptionner les travaux, de comptables pour réaliser les budgets, de communicants pour mettre en valeur le projet et le faire connaître ou encore de formateurs pour sensibiliser aux risques électriques. C’est donc un large panel de compétences qui est nécessaire pour assurer les différentes étapes d’un projet.
Les entreprises souhaitent de plus en plus développer le mécénat de compétences, qu’en pensez-vous ?
J’ai le sentiment qu’il subsiste aujourd’hui un très gros décalage entre les ambitions des entreprises pour mettre en valeur leur politique de développement durable et la réalité. Je vois deux principaux obstacles à cela : le premier est lié aux contraintes du manager de 1ère ligne qui n’arrive pas à concilier les objectifs fixés par l’entreprise et l’absence des salariés de son équipe qui s’engageraient dans un programme de mécénat de compétence. Le second est celui de l’assurance. Ce même manager ne souhaite pas prendre la responsabilité d’envoyer ses collaborateurs dans des pays parfois peu sûrs, en Afrique notamment. C’est une chose que, par ailleurs, je vis également en tant que Président d’Electriciens sans frontières. Pourtant je suis convaincu de l’importance de cette rencontre entre les entreprises et l’engagement citoyen de leurs salariés aux bénéfices d’organismes à but non lucratif. Cet engagement solidaire permet aux salariés de donner du sens à leur métier. Pour les entreprises, accompagner et encourager cet engagement est un facteur d’attractivité et de fidélisation des talents.
Comment motivez-vous vos bénévoles ?
Je leur dis 2 choses : la première c’est qu’avec près d’1 milliard de personnes n’ayant pas accès à l’électricité la tâche est immense et donc, qu’on a besoin de tout le monde, en permanence, car 10% de nos bénévoles changent tous les ans. La seconde, c’est que s’investir dans des actions Electriciens sans frontières c’est exigeant en temps, en énergie, et en patience car il y a beaucoup à faire : études préalables, reporting, etc. La mission sur place, celle qui est la plus visible et la plus valorisante, c’est à la fois l’aboutissement du projet mais aussi le début du fonctionnement des installations électriques qui devront être exploitées et maintenues. Cela étant il faut toujours en regarder la finalité : permettre à un enfant de naître, non pas à la lueur d’une bougie mais dans de bonnes conditions, notamment de sécurité, avec une lampe alimentée par un système photovoltaïque, ça vaut toutes les récompenses du monde.