myphilanthropy, interview Hervé Monier
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L’employee advocacy, une nouvelle ère pour la communication ?

Rencontre avec Hervé Monier, Directeur de la communication et créateur de TheBrandNewsBlog

Communicant en entreprise depuis plus de 15 ans, Hervé Monier est aujourd’hui Directeur de la communication dans le secteur de l’assurance. Passionné par les questions de communication institutionnelle et de marketing-communication, par les politiques de gestion de marque et les problématiques de réputation, il a créé TheBrandNewsBlog, un site exclusivement consacré aux marques et à leur management. Il répond à nos questions sur l’engagement des collaborateurs à l’ère des réseaux sociaux.

Quelle définition donneriez-vous du « collaborateur engagé » ?

Il s’agit d’un collaborateur motivé par son travail et par son entreprise, qui se sent impliqué dans sa stratégie, ses objectifs, sa communication et qui se positionne comme un acteur pour aider l’entreprise à atteindre ses objectifs.

On l’oppose souvent au collaborateur « faiblement engagé » ou « désengagé ». On pourrait dire du premier qu’il est peu motivé par son travail et qu’il ne se sent pas concerné ou pas en phase avec la stratégie et les objectifs de l’entreprise. C’est un collaborateur en « roue libre », vivant son travail comme une contrainte purement alimentaire. Pour le second il s’agit de quelqu’un de véritablement négatif, en désaccord avec la stratégie de l’entreprise, empêchant parfois même son équipe d’atteindre ses objectifs.

Bien sûr, l’engagement est une notion relative : il y a plusieurs niveaux d’engagement et de désengagement qui peuvent être mesurés et évoluer avec le temps, parfois même chez un même individu.

Justement, comment mesure-t-on cet engagement ?

Pour avoir une vision assez complète de l’engagement il faut tenir compte de plusieurs choses. J’en distinguerais quatre :

  1. L’adhésion du collaborateur à la stratégie et aux objectifs de l’entreprise et dans quelle mesure ce collaborateur se sent concerné par cette stratégie
  2. L’implication professionnelle dans son travail quotidien, dans la relation qu’il entretient avec ses collègues, ses clients internes, ses supérieurs hiérarchiques, …
  3. La satisfaction ou le bien-être plus général par rapport à l’ambiance de l’entreprise, son poste et aussi son bien-être personnel
  4. Enfin, la maturité du collaborateur à être acteur et ambassadeur de l’entreprise en la recommandant à de futurs embauchés, à des relations sur les réseaux sociaux ou à son entourage direct.

Quels sont les outils à mettre en place ?

Les outils peuvent varier d’une société à l’autre mais en règle générale les entreprises mettent en place des enquêtes ou baromètres réguliers mesurant les 4 items cités ci-dessus afin d’identifier les freins et les moteurs de l’engagement de chacun des collaborateurs. Une fois les résultats recueillis, il est important de faire participer les collaborateurs à l’identification des freins à l’épanouissement et, a contrario, des « libérateurs d’énergie » pour qu’ils se sentent plus moteurs et engagés.

Ces freins ou libérateurs peuvent être individuels (degré d’autonomie et de responsabilisation, intérêt du poste, des missions à accomplir, niveau de compétence professionnelle, ouverture au changement, qualité ou nature du management, reconnaissance du travail, orientation client,…) ou plus collectifs (organisation du travail, ambiance et règles, politique de rémunération ou d’avancement, gestion de l’évolution professionnelle et des carrières, communication et circulation de l’information, …).

Il faut ensuite définir des objectifs d’amélioration et une feuille de route avec des engagements réciproques du salarié et de l’entreprise mais également les plans d’actions correspondants, pour libérer les énergies et augmenter l’engagement.

La communication peut-elle jouer un rôle pour mobiliser les salariés ?

En terme de communication, les enjeux sont multiples. Il faut s’assurer que les collaborateurs connaissent et comprennent la stratégie d’entreprise. Il faut donc mettre en place des circuits de communication plus collaboratifs et pas seulement descendants. Il faut également stimuler une participation active des collaborateurs dans la diffusion de la communication, en partageant l’information en interne ou en externe et en leur permettant de participer à l’identification de sujets, voire la production de contenus.

Cela doit cependant passer par la mise en œuvre d’outils et de formations qui leur permettent de devenir acteurs de la communication et par voie de conséquence de véritables ambassadeurs  de l’entreprise : je pense à des formations aux réseaux sociaux, à la mise en place de chartes d’utilisation des réseaux et de plateformes de partage ou encore de diffusion de contenus comme Sociabble.

Dans l’un de vos derniers articles vous parlez de la fin de la communication top-down et de l’envol du « e-to-e » et de l’« employee advocacy ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Dans la communication e-to-e : « ecosystem to ecosystem », il s’agit d’utiliser les collaborateurs ou autres parties prenantes pour communiquer et faire passer les messages à d’autres parties prenantes : collaborateurs, clients,… L’« employee advocacy », lui, est le mécanisme par lequel une marque ou une entreprise mobilise ses salariés pour devenir ses ambassadeurs, non seulement dans leur vie professionnelle mais également dans leur vie personnelle, notamment sur les réseaux sociaux.

Tout cela part d’un seul et même constat : les entreprises s’aperçoivent que les communications descendantes, hyper-contrôlées et désincarnées fonctionnent de moins en moins vis-à-vis de leurs différentes parties prenantes (collaborateurs, clients, actionnaires, partenaires,…), et que les meilleurs ambassadeurs de l’entreprise sont justement ces parties prenantes, considérées comme plus crédibles et relayant une information moins « langue de bois ».

Quelles sont les entreprises à avoir déjà lancé ces démarches ?

Elles sont nombreuses à l’avoir fait, comme j’en ai parlé récemment dans l’un des articles de mon Blog[1]. Parmi les précurseurs, on peut citer les entreprises américaines comme DELL ou IBM qui ont intégré l’employee advocacy dans leur stratégie de communication depuis plus de 8 ans, en s’appuyant sur de très importants réseaux d’ambassadeurs et des milliers de collaborateurs formés (16 000 chez Dell aujourd’hui), pouvant utiliser des plateformes de contenus et de diffusion de messages conçues tout exprès comme la « Think academy » chez IBM.

Les entreprises françaises elles aussi sont aujourd’hui nombreuses à avoir mis en place des initiatives originales comme Faurecia, qui laisse chaque semaine la gestion de son compte Instagram à une équipe interne afin qu’elle raconte son quotidien, dans le cadre d’une opération baptisée « A week in a life of » ; il y en a de nombreuses autres telles Orange, Elior, Avril,… chacune ayant incrémenté cette politique d’employee advocacy avec ses spécificités et selon ses propres besoins.[2]

Selon l’association des Directeurs de communication Entreprises & médias plus d’une grande entreprise sur deux a aujourd’hui lancé une démarche d’employee advocacy en France, et près de 94% des directeurs de la communication disent l’avoir déjà fait ou vouloir le faire très prochainement.

Existe t-il des mesures d’impact ?

Oui bien sûr. On peut mesurer le nombre d’abonnés sur les réseaux sociaux, le nombre et le taux de partages sur chaque publication, le nombre de likes, le nombre de vues de chaque message,… Les KPI sont très nombreux en matière d’employee advocacy.

Notons cependant que les Européens restent concentrés sur des indicateurs assez « institutionnels » car ce qui leur importe est d’abord le rayonnement de leur image institutionnelle et de bénéficier d’un nouveau canal de diffusion de leurs messages. Les Anglo-Saxons, eux, vont plus loin et mesurent déjà les ventes générées par la recommandation en ligne. Ils sont donc très axés sur le « social selling » (prospection connectée), alors que les entreprises françaises commencent tout juste à l’envisager.

Ne s’agit-il pas d’une arme à double tranchant ?

Effectivement, il y a toujours un risque pour l’entreprise si les ambassadeurs (collaborateurs ou autres parties prenantes) prennent la parole et dévoilent des informations confidentielles ou négatives sur l’entreprise, en ne comprenant pas ou en ne respectant pas les chartes d’utilisation des réseaux sociaux qui existent en interne par exemple : l’ambassadeur ne peut jamais être totalement contrôlé !

Pour le collaborateur, le risque peut également être de passer pour un perroquet, s’il se contente de retweeter ou liker sur ses comptes de réseaux sociaux des informations de son entreprise pas toujours intéressantes: eux-mêmes généreront peu d’engagement sur ces publications auprès de leur communauté (ce qui en soi n’est pas très grave). Cela peut aussi desservir l’entreprise si ses publications ne sont partagées que par des collaborateurs ou ambassadeurs, car il n’y aura pas nécessairement beaucoup d’impact sur les autres parties prenantes : clients, partenaires… et cela gonflera artificiellement ses statistiques de partages.

Il faut cependant retenir que ces changements sont inéluctables : la libération de la parole des collaborateurs sur les réseaux sociaux n’a pas attendu les politiques d’advocacy des entreprises pour exister. Cest un fait de société. Et, pour les communicants, il importe aujourd’hui d’accompagner ce mouvement plutôt que de vouloir tout contrôler, en formant les collaborateurs aux réseaux sociaux,  en leur donnant des outils (chartes internes et plateformes de partage) et en les associant à la productions de contenus de qualité, pour les inciter davantage à les partager et susciter l’engagement de l’ensemble des parties prenantes.

 

English version / Version anglaise

[1] https://brandnewsblog.com/2018/10/

[2] https://entreprises-medias.org/wp-content/uploads/2018/09/advocacy.pdf

 

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