Emilie Jautzy
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Le produit-partage : une opportunité “gagnant-gagnant”

Rencontre avec Emilie Jautzy, SoliPulse

Ancienne responsable partenariats et communication chez Electriciens sans frontières, Emilie Jautzy, à travers SoliPulse, aide les associations dans leurs levées de fonds. Elle les accompagne également dans la professionnalisation de leur communication afin de trouver les meilleures sources de financement. L’objectif de SoliPulse est simple : partager et transmettre toutes les connaissances nécessaires aux associations pour leur permettre d’être le plus efficace possible dans leurs recherches fonds. Emilie évoque aujourd’hui avec nous le « produit-partage », un dispositif à la fois connu et méconnu.

Qu’est-ce qu’un produit-partage, et quels sont ses mécanismes de fonctionnement ?

Le produit-partage est un produit commercialisé par une marque dont une partie des ventes est reversée à une association. L’exemple le plus connu est le « sac à sapin », plus que jamais d’actualité. Lors d’un achat à 5 euros, vous savez qu’1,5 euro sera reversé à Handicap International. Il peut s’agir d’un montant fixe dans ce cas, ou d’un pourcentage versé à une association à chaque vente de produit. Ce dernier est mis en vente pendant une période fixée à l’avance. Dans ce cas, il s’agit évidemment de la période de Noël.

Quels sont les avantages d’un tel dispositif, en terme de fiscalité notamment ?

La doctrine fiscale n’est pas clairement établie sur la fiscalité des produits partage. Elle relève par principe du sponsoring et par exception du mécénat. La prudence est donc de mise dans ce type de partenariats. Pour que cela puisse être considéré comme du mécénat, et donc bénéficier d’une défiscalisation, il faut mettre en place une convention spécifique, aux critères très précis.

Tout d’abord, la durée de l’opération doit être limitée et définie à l’avance. Ensuite le produit ciblé ne doit pas être nouveau et surtout il ne doit pas être vendu plus cher ! Il faut aussi préciser dans cette convention le sort réservé aux produits invendus, déterminer le niveau de pourcentage ou montant fixe reversé à l’association sur chaque vente et faire un don minimum quel que soit le niveau des ventes réalisées au cours de cette opération. Ce don devra être proportionnel à l’ampleur de l’opération. L’opération ne doit en aucun cas impacter de manière significative le chiffre d’affaires de l’entreprise.

L’association a t-elle des obligations ?

L’association doit avoir un droit de contrôle des dons qui lui reviennent. Elle n’a le droit de communiquer sur l’opération sous aucun prétexte, avant et pendant celle-ci, pour ne pas être considérée comme apporteuse d’affaires. Cela requalifierait immédiatement l’opération en sponsoring. Dans ce cas, l’association n’émettrait pas, à l’entreprise, un reçu fiscal mais une facture. Celle-ci passerait alors en charges déductibles du revenu fiscal imposable. Elle diminuerait donc la base taxable de l’entreprise, mais ce ne serait pas du mécénat.

Y a-t-il des risques à mettre en place un tel dispositif ?

Il peut y avoir un risque en terme d’image. Pour l’éviter, les partenaires doivent bien se connaître et partager les mêmes valeurs. Par exemple, des produits fabriqués dans des conditions contraires aux droits humains pourraient porter préjudice à l’association. Il faut donc être précis et clair, s’assurer de la cohérence du montage, et faire appel à des juristes si nécessaire.

Pouvez-vous nous expliquer ce que cela peut apporter à une association ?

Pour l’association, outre un gain financier, elle peut gagner en notoriété, en crédibilité et attirer l’attention sur elle. L’opération s’accompagne en effet très souvent de campagne de communication d’ampleur, comme un packaging qui met en avant le produit. Il peut donc s’agir d’une belle vitrine permettant d’attirer de nouveaux donateurs.

Et à l’entreprise ?

Cela lui permet de se différencier et d’attirer, pourquoi pas, de nouveaux clients ou de développer sa marque employeur. Un produit-partage peut s’appliquer à des produits physiques ou digitaux. En B to C ou B to B.

Je prends un exemple : une entreprise peut décider de créer une opération « tournevis solidaire » dont une partie du prix serait reversé à une association pour attirer et fidéliser des clients. Un autre exemple pourrait être pris durant le fameux « Black Friday » : l’entreprise ne diminuerait pas le prix du produit mais reverserait de l’argent à une association sur chaque vente.

Est-il nécessaire de fixer des objectifs ?

Oui, quelle que soit la méthode choisie, il est effectivement indispensable d’afficher les objectifs attendus pour l’opération. Si cette dernière doit financer l’achat de repas pour des familles, par exemple, il sera nécessaire de préciser combien de familles l’opération ambitionne d’aider et quel impact aura chaque achat dans l’atteinte de cet objectif. Cela permet de rendre l’opération beaucoup concrète et « palpable » pour le consommateur. Il perçoit beaucoup mieux l’impact qu’il peut avoir. Et donc cela l’encouragera à choisir sur le rayon le produit-partage plutôt qu’un produit « lambda ».

Est-ce que le produit-partage peut se révéler bénéfique pour l’image de l’entreprise ?

Oui car il peut contribuer à incarner les enjeux de développement durable de l’entreprise et permettre de développer les ventes. Il permet aussi de construire un nouveau lien avec les clients.

Prenons un nouvel exemple : un détaillant électricien organise une animation en magasin avec la participation de l’association qui explique son travail auprès des bénéficiaires. Cela donne une très belle image en externe, auprès des clients. Entreprise et clients peuvent alors échanger sur des sujets autres que les sujets « business » habituels et développer ainsi une relation plus « humaine ». Ce bénéfice est également valable en interne, auprès des salariés dont l’activité ne sert, à cette occasion, pas uniquement des objectifs commerciaux. L’information peut ensuite être relayée sur les réseaux sociaux, dans les newsletters, etc.

Peut-on imaginer un produit-partage dans un domaine «  immatériel» ?

On peut tout à fait imaginer cela dans le domaine du digital. Pour ses nouveaux abonnements, une marque de logiciel pourrait reverser de l’argent à une association spécialisée dans le codage ; certaines le font sans doute déjà d’ailleurs. Un fournisseur de vidéos à la demande pourrait faire la même chose avec ses locations, dont une partie pourrait être reversée à des associations en soutien à l’art du cinéma ou formant des jeunes défavorisées au cinéma, dans le cadre d’une « Fête du cinéma solidaire » pourquoi pas ?

Pensez-vous que le produit-partage soit suffisamment connu ?

Non. Je ne crois pas que le mot « produit-partage » en lui-même soit connu. Le dispositif lui l’est certainement beaucoup plus. Pourtant, nombre de petites associations pensent qu’il n’est pas fait pour elles et surtout sont persuadées qu’il est compliqué à mettre en place. A leur décharge, elles n’ont souvent pas le temps de mettre en place de nouveaux moyens de collecter des fonds. Concernant les entreprises, en-dehors des grandes, elles ne savent peut-être pas qu’un produit-partage peut convenir à leurs produits, quelle que soit la taille de l’entreprise. Une opération produit-partage est souvent une opération conjointe des départements RSE/ DD, marketing et communication.

Faut-il développer le produit-partage ?

Personnellement, je suis convaincue que mettre en place de vrais partenariats entre les entreprises et les associations en vaut la peine même si ces dernières sont elles aussi parfois réticentes à s’afficher auprès d’interlocuteurs du secteur privé.

Il y a de belles histoires à construire et il ne faut vraiment pas avoir peur d’en parler, ni de se lancer dans ce type de partenariat gagnant-gagnant.

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